Sonia Valente
Recrutement : 5 questions que les candidats ne veulent plus entendre
Alors que le rapport de force entre candidats et recruteurs s’inverse, un grand nombre d’entretiens d’embauche sont encore et toujours menés en méconnaissance de cette réalité. Par ignorance, déni ou résistance, des recruteurs continuent de poser des questions stériles et invasives.
Des questions qui ne permettent pas d’apprécier la personnalité, la motivation et la compétence du candidat, mais qui peuvent aussi se retourner contre l’entreprise et ternir son image. Tour d’horizon des 5 questions qu’il est (vraiment) temps d’abandonner.
« Citez-moi 3 défauts et 3 qualités »
Incontournable depuis mathusalem, les candidats sont lassés de tomber sur cette question qui, avouons-le, n’invite pas à la franchise. Bien au contraire, c’est la porte ouverte à une réponse toute faite comme « je suis perfectionniste » qui n’apporte aucune information sincère.
Pourquoi les recruteurs continuent-ils alors à poser cette question ? Et pourquoi serait-ce aux postulants de se creuser les méninges pour apporter une réponse plus originale ?
Après tout, l’entretien d’embauche est une discussion à double sens. Et les talents le font bien savoir en étant de plus en plus exigeants au point de se comporter en « consommateurs d’emploi ». Ainsi, le recruteur doit lui aussi faire le nécessaire pour rendre l’expérience candidat agréable et enrichissante avec des questions propices à un échange sincère et permettant d’apprécier la compatibilité de l’un avec l’autre.
Et si à la place de cette question (trop) banale, vous invitiez votre interlocuteur à simplement parler de lui ? Savoir décrire sa personnalité est un exercice révélateur de la capacité du candidat à s'auto analyser. Les informations qu’il va choisir de vous donner en diront plus sur sa personnalité et son niveau d’estime qu’un traditionnel « citez-moi 3 défauts et 3 qualités » !
« Envisagez-vous d’avoir des enfants » ?
Question spécialement adressée aux femmes de 30 ans qui postulent à un emploi à responsabilités, dans le genre sexiste on ne peut pas faire mieux ! Si jusque-là l’entretien semblait bien se dérouler, avec cette interrogation c’est la chute assurée. Car au-delà du fait que la loi interdit d’interroger la candidate et le candidat sur ce sujet, l’historique derrière cette question est sacrément lourd !
En effet, combien de femmes ont été recalées, mises au placard ou remerciées pour leur service parce qu’elles allaient devenir mères ? Dans l’esprit des postulantes désireuses d’avoir un enfant, rien de bon ne peut sortir de cette question. Qu’elles choisissent de mentir ou de dire la vérité, leur future maternité sera bien (trop) souvent vue comme un frein à leur réussite.
Le résultat ? En osant cette question, vous allez au-devant de grands risques. Votre interlocutrice peut se braquer et tirer des conclusions hâtives sur votre culture d’entreprise alors même que vos intentions sont bonnes (ex : anticiper une éventuelle réorganisation du service en cas de congé maternité). Pour peu que vous tombiez sur une personne revendicative avec un fort sens de la justice, soyez préparé à recevoir un mauvais avis sur les plateformes comme Glassdoor ou les réseaux sociaux ! On vous aura prévenu…
« Où vous voyez-vous dans 5 ans » ?
Qu’on se le dise une bonne fois pour toutes : personne ne peut jouer franc jeu avec cette question. Soit le candidat n’a aucune fichtre idée d’où il se voit dans 5 ans et il passe pour quelqu’un de perdu, d’instable et de sans ambition. Pour le recruteur, c’est une réponse qui a alors tout d’un recrutement raté. Il imaginera un collaborateur paresseux, difficile à motiver et qui quittera le navire au bout d’un an dans l’entreprise.
Soit le candidat aspire à prendre la place de son N+1 et à gravir les échelons pour devenir le big boss. Il n’en faut pas davantage pour qu’il passe pour une personne trop ambitieuse voire présomptueuse aux yeux du recruteur qui ne connaît rien d’elle - et donc tire des conclusions à la hâte. Et en particulier dans les pays avec une culture française qui valorise la retenue, la modération et la patience à la place de l’audace et de l’ambition.
Soit le candidat envisage de changer d’entreprise dans 3 ans pour vivre une nouvelle expérience professionnelle et se développer. Dans ce cas, comment peut-il être honnête face à une entreprise qui rencontre des difficultés à recruter et à fidéliser les collaborateurs ? Cette réponse le mettra définitivement hors-jeu, et alors même que c’est à l’entreprise de faire le nécessaire pour donner envie aux collaborateurs de venir et de rester !
« Pourquoi devrions-nous vous engager » ?
Si le candidat se tient en face de vous, c’est qu’il a passé avec succès l’étape du CV et de la lettre de motivation. Une première étape qui consiste justement à évaluer la pertinence de la candidature. À ce stade du recrutement, c’est donc à vous d’approfondir sa motivation et ses compétences à l’aide de questions précises, d’études de cas ou de tests de personnalité.
De plus, c’est une question qui met mal à l’aise lorsque l’on est de nature humble, discrète et plutôt introvertie. Sans parler du fait que le candidat n’a pas de point de comparaison ! En effet, comment peut-il vous convaincre qu’il est la bonne personne sans informations sur le parcours, les compétences et la personnalité de ses concurrents ? On est loin d’un combat à la loyale…
« Êtes-vous ponctuel ? » ou dans le même genre « êtes-vous créatif » ?
Il y a des questions qui ne se prêtent pas à la transparence. C’est précisément le cas des questions comme « êtes-vous ponctuel ». Le candidat sait bien que s’il nuance sa réponse par « il m’arrive de temps à autre d’être en retard », ça ne va pas le faire. Tout comme le recruteur ne s’attend pas à une réponse des plus sincères. Ce genre de question est donc une perte de temps pour tout le monde.
À la place, envisagez d’autres techniques. Par exemple, pour évaluer la créativité des candidats, il existe des solutions bien plus fiables comme des questionnaires sur les soft skills et des questions orientées sur l’expérience, les situations professionnelles et les missions réalisées.
Vous l’aurez compris : il y a des habitudes qu’il faut abandonner parce qu’elles sont stériles et néfastes pour l’entreprise. À l’occasion de vos prochaines campagnes de recrutement, pensez à mettre un petit coup de polish à votre trame de questions !